La FGIL depuis 1900



La FGIL - une jeune centenaire...


Revenons en quelques lignes sur cette fière histoire qui est celle de la FGIL.

Le respect dû à l'engagement sans faille des pères-fondateurs de la FGIL, à leur persévérance inébranlable et à leurs compétences, nous conduit à rappeler les circonstances historiques dans lesquelles la constitution de notre fédération s'est déroulée afin de mieux faire comprendre et d'aborder plus efficacement certains problèmes scolaires et politiques actuels.


1898: Les instituteurs sous la tutelle de l'église
13 septembre 1900: La FGIL organise la riposte
Un syndicat unitaire jusqu'en 1908
Vers la loi scolaire de 1912
Deux camps politiques:
Les améliorations apportées par la loi de 1912
L'avenir de la paix scolaire
Le Luxembourg a besoin d'une école publique unitaire
L'émancipation civile et politique de l'instituteur
L'échec de la fusion des syndicats d'instituteurs après la deuxième guerre mondiale
1950 - 1974: La reconstruction
LA FGIL sous la coalition libérale-socialiste de 1974 à 1979



1898: Les instituteurs sous la tutelle de l'église


Vers 1900, la situation de l'école comme celle du corps enseignant n'étaient pas enviables. La loi scolaire relativement libérale qui avait été votée en 1881 à l'initiative de Henri Kirpach, Directeur de l'Intérieur et par laquelle le clergé avait dû abandonner une partie de sa scandaleuse mainmise sur le personnel enseignant, avait été abolie par la nouvelle loi réactionnaire de 1898 votée par la droite avec l'appui ouvert et engagé de l'Eglise catholique.

De par cette loi, les instituteurs luxembourgeois, du point de vue moral et intellectuel, furent rejetés dans les conditions du moyen âge:
Ce dur retour en arrière sous la loi de 1898, cet affront moral contre le personnel enseignant et contre l'école publique - le tout sur le fond de situation matérielle désastreuse - devint finalement l'élément décisif qui logiquement menait dans les deux années à venir vers la création de la FGIL, bien avant la naissance d'autres syndicats dans le secteur publique. Le contexte historique et idéologique dans lequel est née la FGIL explique pourquoi jusqu'à nos jours l'émancipation morale et intellectuelle de l'instituteur dans une société démocratique et citoyenne est restée la priorité absolue dans notre démarche.



13 septembre 1900: La FGIL organise la riposte


Un groupe engagé d'institutrices et d'instituteurs progressistes et critiques - une élite - ne purent se résigner à s'accommoder de la loi de 1898 et commencèrent la riposte. Dès le début Mathias ADAM figurait parmi eux, lui qui en 1884 déjà avait collaboré à la constitution d'une caisse d'entraide sociale des instituteurs (Lehrerunterstützungsverein). Mathias Adam était né en 1850 à Luxembourg- Stadtgrund et allait successivement occuper des postes d'instituteur à Esch, Ettelbrück, Walferdange et Pétange. Durant les années 1880/1890 il avait parcouru le pays avec une poignée de collègues et quelques inspecteurs d'écoles afin d'exposer et de défendre lors de réunions publiques les améliorations de la loi KIRPACH. Pour des hommes et des femmes de la carrure d'un Adam, la loi de 1898 (dite loi PRÜM) fut ressentie comme une véritable catastrophe personnelle. On ne peut comprendre par la suite son attachement à la loi scolaire de 1912 (loi BRAUN) que si on part des bouleversements réactionnaires de 1898. Citons le « Escher Journal » (1902): «Es errinnere sich der geneigte Leser, dass 1898 Oberreaktionär Prüm nebst Anhang damit beschäftigt war, ein ohnehin reaktionäres Schulgesetz noch reaktionärer zu gestalten. Unglücklich der Lehrer, welcher nicht zu jedr Stunde bereit ist, sich kneten und treten zu lassen von dem gestrengen Herrn Pastor und dessen ergebenstem Leibdiener, Bürgermeister genannt.»

Vers la fin du XIXe siècle en tout cas, les protagonistes engagés des instituteurs et quelques rares inspecteurs avaient acquis la certitude que la situation de l'école et de l'instituteur ne pouvait évoluer à condition que changeât d'une part la situation politique dans le pays - il faut se rappeler que le droit de vote n'était pas encore généralisé et que l'instituteur peu nanti figurait parmi ceux qui ne l'avaient point - et que les instituteurs et les institutrices d'autre part se réunissent en une organisation structurée et solidaire. L'occasion en allait se présenter lorsqu'au mois de novembre 1899 un comité provisoire d'instituteurs, élus dans les différents cantons, décida de réintroduire le système de la «Journée de l'Instituteur» dont deux avaient déjà été organisées dans les années 1870, à l'initiative de Johann TAUTGES dont le portrait honore d'ailleurs le siège de la FGIL.

Ce comité provisoire lança donc un appel en vue d'organiser le 13 septembre 1900 une troisième «Journée générale de l'Instituteur», appel qui fut suivi par des centaines d'institutrices et d'instituteurs qui à la date indiquée remplissaient jusqu'au dernier rang la salle des fêtes de l'ancien Athénée. Lors de cette assemblée générale, le comité provisoire sous la présidence de Mathias ADAM fut confirmé et quoique les statuts ne fussent déposés au greffe du tribunal que cinq années plus tard, la date du 13 septembre 1900 est unanimement retenue comme date de la constitution de la FGIL. A peine une année plus tard sortit le premier numéro du «Luxemburger Lehrerblatt», le prédécesseur du «Journal des Instituteurs» et du «SEW Journal» .



Un syndicat unitaire jusqu'en 1908


Les premiers congrès de la jeune Fédération eurent lieu à Ettelbrück (1902) et à Mersch (1905), réunissant à chaque fois quelque 500 membres - plus d'instituteurs évidemment que d'institutrices. Ces dernières étaient à l'époque massivement recrutées dans les congrégations et il leur était chaudement recommandé de ne pas s'engager dans un syndicat.

En 1905, le Journal qui sortait d'ailleurs toutes les deux semaines (!) changea de titre pour devenir «Organ des Luxemburger Lehrerverbandes». En 1908, La FGIL, qui malgré de fortes tensions était restée unitaire, comptait ainsi 520 membres dont 150 institutrices. Cette unité allait se briser en 1909, le prétexte en étant l'affiliation au «bureau international» des instituteurs. L'évêché ne cessait d'alléguer que ce bureau était téléguidé par des francs-maçons et des libres-penseurs. L'aile conservatrice quitta la FGIL, créa son propre journal, le «Schulfreund» où 'on put lire dès le 15 mai 1909: «In den Osterferien wurde in Luxemburg von einer Versammlung von Lehrern aus verschiedenen Ortschaften unseres Landes ein «Katholischer Lehrer- und Lehrerinnenverein» gegründet ... durch Anschluss unseres Luxemburger Lehrerverbandes an den internationalen Lehrerverein, welcher letzterer ebenfalls (!) die Entchristlichung der Schule auf seine Fahne geschrieben hat, wurde auch unsere katholische Schule von einer ernstlichen Gefahr bedroht.»

Cette scission du personnel enseignant des écoles publiques que Mathias Adam regrettera jusqu'à la fin de ses jours n'allait plus jamais être surmontée malgré une tentative infructueuse de fusion au lendemain de la seconde guerre mondiale. Dans la rétrospective, il faut évidemment placer cette scission des instituteurs dans le contexte des aspirations politiques vers une nouvelle loi scolaire.



Vers la loi scolaire de 1912


En effet, dès la victoire électorale du «bloc des citoyens» en 1908 - une coalition de libéraux et de socialistes qui avaient fait de la modification de la loi scolaire une priorité absolue - des polémiques incessantes opposèrent les protagonistes des deux camps sur la question scolaire.

De par la nouvelle situation, les vues et les exigences de la FGIL en la matière devinrent réalistes et réalisables. Disons-le d'emblée: la question de la doctrine chrétienne, qui en fait n'était qu'un élément mineur de la nouvelle législation, en devint tout de suite la question cruciale, celle de toutes les querelles. D'après le projet de loi en effet, l'instituteur était libéré des cours de religion et les certificats de moralité étaient abolis. S'ensuivit un branle-bas politique acharné entre les camps laïque et clérical d'une ampleur rarement atteinte dans notre pays. On peut tout au plus le comparer aux querelles politiques tout aussi passionnelles et tranchantes que le Grand-duché a vécues une génération plus tard dans le contexte de la loi muselière proposée par Joseph Bech.

Au vu des assez nombreuses publications relatant en détail la lutte scolaire de 1912 - parmi elles l'excellente brochure éditée par la FGIL en 1987 sous le titre «La loi BRAUN, la libération de l'instituteur» - nous voulons rappeler ici que les points essentiels.



Deux camps politiques


L'église catholique, avec à sa tête comme acteur principal l'évêque Koppes, a pris ouvertement parti pour le maintien du statu quo et est allée jusqu'à menacer d'excommunication les catholiques qui liraient les journaux favorables à une nouvelle loi scolaire. En face, les députés libéraux et socialistes Xavier Brasseur et Robert Brasseur, Aloyse Kaiser, J.-P. Probst, Jos. Thorn et C.M. Spoo constituaient le fer de lance du camp laïque. Durant les discussions qui s'éternisaient de 1910 à 1912, ils trouvèrent l'appui efficace des associations progressistes, dont surtout la FGIL, les associations d'Education Populaire (Volksbildungsvereine) et l'association pour les intérêts de la femme. Cette dernière avait vu le jour en tant qu'initiative de citoyennes revendiquant la création d'un lycée pour jeunes filles, idée bien entendu rejetée par le camp clérical qui préférait voir les femmes vaquant à leurs besognes traditionnelles de ménagères au foyer.

Ces associations laïques organisèrent des réunions publiques dans les villes et villages, réunions au cours desquelles les instituteurs Michel Lucius, Hubert Clément et Mathias Adam, responsables de la FGIL, tinrent de brillants discours. Leurs mérites pour l'école publique grand-ducale ont été (tardivement) reconnus et tous les trois ont donné leur nom à un lycée technique de notre pays.

Il est rapporté que le soir venu, après les séances animées à la Chambre des Députés, les protagonistes politiques du bloc des citoyens et les dirigeants de la FGIL se rencontraient assez régulièrement à l'hôtel «Ancre d'Or» dans la Vieille Ville pour discuter de la stratégie à suivre. C'est de là que provenait l'intérêt de la FGIL pour cet immeuble qu'elle acquerra finalement en 1937 par le biais d'un emprunt lancé auprès des adhérents.

De l'autre côté, les adversaires de la loi pouvaient compter avec l'appui ouvert du «Katholischer Lehrer- und Lehrerinnenverein». Lors de l'assemblée générale de l'association, l'évêque assista et fut applaudi avec frénésie lorsqu'il déclara: «...l'école laïque est un moule où on jette un chrétien et d'où s'échappe un renégat.» Et plus loin: «Wird es wohl einigen verblendeten, hasserfüllten Menschen gelingen, die Schule in unserem Lande ihres christlichen Glaubens zu berauben? Wir wissen es nicht. Aber wir werden mit unserem Klerus vereint des Feind Gottes und der Kirche uns entgegenstellen. Und Sie, meine verehrten Freunde, Sie werden mit uns kämpfen und streiten. Und nun: Glück auf, katholischer Lehrerverein. Arbeitet wacker weiter.»



Les améliorations apportées par la loi de 1912


Collaborant efficacement à l'élaboration des textes, les responsables de la FGIL furent délégués en Allemagne et en Suisse pour y étudier les législations scolaires afférentes et pour en informer notre Gouvernement et notamment Pierre Braun, le directeur général de l'Intérieur, chargé de l'enseignement primaire et des écoles normales.

Le 25 juin 1912, après 22 (!) séances houleuses, la loi Braun, la «Magna Carta» de l'école publique, fut votée par 34 voix pour, 17 contre et 1 abstention. Après le vote, notre pays faillit s'enliser dans une crise constitutionnelle due au fait que la Grande-duchesse Marie-Adelaïde, soumise à de fortes pressions des milieux de la droite, tarda longtemps à signer la loi. Néanmoins, elle apposa sa signature en date du 10 août 1912, apparemment après que le député Emile Reuter eut effectué une démarche auprès de la Cour.

La loi de 1912 a apporté à l'école et à la société luxembourgeoise des progrès d'une telle ampleur qu'il convient d'en citer ici les plus importants:

La doctrine chrétienne

Cette branche reste au programme des écoles- elle y est même énumérée en première place - mais son enseignement est confié aux membres du culte ou à leurs délégués. Les vertus chrétiennes continuent à être mentionnées dans la loi, mais la dispense des écoliers d'assister aux cours de doctrine est précisée. Les certificats de moralité, quant à eux, sont abolis: c'est la libération claire et nette de l'institutrice et de l'instituteur de la tutelle du clergé.

Les autre points forts
  • L'obligation scolaire est allongée d'une année, la gratuité de l'école publique - corollaire de l'obligation scolaire - est proclamée.
  • Les commissions locales deviennent commissions scolaires et sont dorénavant obligées d'inviter au moins deux fois par année le délégué du personnel enseignant dans les séances.
  • L'absentéisme des écoliers, véritable fléau dans les régions rurales où les enfants avaient l'habitude d'aider les parents dans les travaux agraires, est sévèrement réprimé.
  • L'éventail des branches d'enseignement profane est étendu aux sciences naturelles, à l'histoire, à la géographie et aux branches d'expression.

Il s'agissait en l'occurrence d'une revendication prioritaire de la FGIL considérant à juste titre que l'école doit offrir davantage aux enfants qu'apprendre à lire, à écrire et à calculer, nonobstant le fait que les compétences de base ne doivent pas être négligées.
  • La formation des instituteurs à l'Ecole Normale est allongée d'une quatrième année.
  • Pour le classement des instituteurs lors des nominations, des critères officiels sont établis, mettant ainsi fin aux humiliantes démarches des candidats auprès des conseillers communaux.
  • L'autorisation d'ouvrir des écoles privées est soumise à des dispositions restrictives et ces écoles sont soumises au contrôle étatique.

Cette énumération, qui n'est pas complète, nous montre que la loi Braun de 1912 mérite parfaitement le titre de «Magna Carta» de l'école, une Charte aux principes de laquelle l'Eglise finit par ailleurs à se rallier (1921).



L'avenir de la paix scolaire


La paix scolaire consacrée en 1912 respectivement en 1921 a perduré jusqu'à nos jours - malgré quelques mémorables tempêtes et orages - et revêt ainsi une grande importance historique, sociale et économique. Aujourd'hui, notre pays bénéficie de l'école la plus «publique» en Europe et les avantages de ce système, où les fonds publics ne sont pas dilapidés entre deux voire trois (Belgique) réseaux scolaires parallèles, sont évidents.

Certes, dans une approche humaniste l'on peut regretter que l'école publique ne soit toujours pas complètement neutre du point de vue confessionnel. Mais il est un fait que la loi de 1997 portant généralisation des cours d'éducation morale et sociale dans toutes les écoles primaires constitue un net progrès en la matière. Aujourd'hui, chaque enfant reçoit l'éducation morale - laïque ou religieuse - de son choix.

Il serait fortement à craindre que des solutions radicales, bannissant notamment complètement la doctrine chrétienne des tableaux des horaires des écoles primaires, ne conduisent à la prolifération d'écoles privées confessionnelles comme tel est le cas dans tous les pays où on n'a pas retenu le modèle luxembourgeois basé sur la «coexistence pacifique». Néanmoins, il s'agit de veiller à ce que notre école publique reste encore «organisable» et un scénario dans lequel les cours d'un nombre croissant de confessions religieuses seraient assurés et financés par l'Etat nous paraît inimaginable. D'autre part les cours de morale religieuse ne doivent en aucun cas compter pour la promotion des élèves.

A la FGIL nous avons par conséquent expressément salué les récents jugements des tribunaux qui ont statué que les règlements sur l'obligation scolaire sont à observer par tous les élèves, quelles que soient par ailleurs leurs confessions et les jours fériés de ces dernières. Pour nous - vu notre attachement à la société citoyenne et démocratique - il est en effet primordial que les textes législatifs étatiques démocratiquement votés prévaillent sur les dispositions des cultes religieux.



Le Luxembourg a besoin d'une école publique unitaire


C'est justement parce que nous sommes un pays très petit - dans lequel plus qu'ailleurs vit et étudie une jeune génération aux origines les plus diverses - que plus que d'autres nous avons besoin d'une école d'intégration sociale et culturelle dans laquelle tous les jeunes, qu'ils soient Luxembourgeois ou d'origine étrangère, apprennent, jouent et vivent ensemble: nous avons par conséquent besoin d'une école publique unitaire, performante et attrayante. La cohésion du pays, notre avenir, sont à ce prix! Toute démarche contraire mènerait dans une impasse ségrégative aux conséquences imprévisibles. Voilà pourquoi nous exigeons la plus grande prudence au moment où le Gouvernement se propose de modifier la loi scolaire de 1912.

De nombreuses années se sont écoulées depuis 1912.

La FGIL a poursuivi son action syndicale - toute seule ou ensemble avec d'autres syndicats qui au fil du temps sont apparus avant de redisparaître pour la plupart - sans jamais s'être laissée réduire au rôle d'une simple association corporatiste aux buts uniquement salariaux. Les responsables et les membres de notre fédération sont toujours partis du point de vue que l'école a un rôle important à jouer dans la société et qu'il faut par conséquent placer l'action syndicale dans une démarche sociale et culturelle plus vaste, dépassant sans les négliger les questions purement matérielles.

Ainsi n'avons-nous jamais oublié ou abandonné nos principes qui restent:




L'émancipation civile et politique de l'instituteur


En ce concerne l'émancipation civile et politique de l'instituteur, la FGIL se devait de rester constamment vigilante, car nombreuses étaient les tentatives gouvernementales, communales ou administratives essayant, même après 1912, de faire marche arrière et de rejeter l'instituteur privé de droits et de voix dans une humiliante dépendance où il serait privé de libre expression politique et de la vie privée de son choix.

Citons deux exemples:

Le 1er mai 19354, à l'occasion de la journée des travailleurs, les instituteurs URBANY et KILL étaient montés sur le kiosque de la fanfare à Rumelange et y avaient propagé leurs convictions communistes. Joseph Bech pensait ne pas pouvoir admettre les activités politico syndicales des deux instituteurs - pourtant exercées en dehors de leur service - et les suspendit de leurs fonctions.

La FGIL, sous la présidence de Jean-Pierre SCHWACHTGEN soutint les deux collègues matériellement et juridiquement. L'appel contre la décision de suspension fut interjeté auprès du Conseil d'Etat par Maître Netty PROBST et l'affaire fut finalement gagnée après une longue et difficile bataille procédurale. Les instituteurs suspendus par Joseph Bech reçurent une indemnisation adéquate et depuis ce jugement le droit constitutionnel à la libre expression politique de l'instituteur n'a plus été mis en question.

Une autre affaire, touchant à la législation en matière civile et administrative celle-là, ne fut réglée qu'en 1939. Nos membres, les institutrices ERASMY et SCHEIDEN, avaient été congédiées par leurs respectives communes (Hobscheid et Sanem) pour la simple raison qu'elles s'étaient mariées. Elles aussi reçurent l'appui juridique de la FGIL et leurs procès revêtant par ailleurs un important caractère de jurisprudence furent gagnés.


Ces procès donnèrent lieu à des débats tonitruants à la Chambre des Députés où en 1939 un amendement proposé par le député ORIGER et excluant de l'enseignement l'institutrice mariée ne fut rejeté qu'avec 30 voix contre 28!

N'oublions pas non plus les mérites probablement décisifs des militants de la FGIL lors de la campagne contre la loi muselière BECH, loi qui en 1937, lors du référendum, fut rejeté avec la majorité extrêmement étroite de 50,7%.

D'ailleurs, dès 1933 et face à la menace hitlérienne et à ses propagateurs au Luxembourg, la FGIL s'était associée à des organisations libérales et de gauche telles que la Ligue des Droits de l'Homme, la Libre Pensée ou encore l'ASSOSS pour faire entendre la voix antifasciste extraparlementaire. Dans «Vu et Entendu - souvenirs d'une époque controversée, 1912-1940», l'historien Henri KOCH_KENT n'a à ce sujet que d'éloges à l'égard de la position de la FGIL: «L'échec subi auprès des états-majors des partis et leur refus d'envisager des actions communes contre les hitlériens nous obligea à changer de tactique. Au lieu d'agir sur des partis récalcitrants, le comité de l'ASSOSS décida de prendre langue avec des organisations de gauche menacées. Nous sommes d'abord entrés en contact avec la Ligue des Droits de l'Homme et la Libre Pensée, deux organisations fort vigilantes à l'époque. Epris de leur indépendance, elles n'étaient pas encore à la remorque des partis «amis» et se défendaient contre les entreprises de noyautage de ceux-ci. Ensuite, nous soumettions notre plan d'action aux responsables des Volksbildungsvereine, dont les membres se composaient d'esprits indépendants et d'éléments libéraux ou socialistes. Dans ce milieu, nous nous sentions en communion d'idées, surtout après les interventions en notre faveur de l'ingénieur Robert Stumper qui dirigeait l'Association de l'Education Populaire d'Esch-sur-Alzette. Mais notre principal appui, nous devions le trouver auprès de la Fédération des Instituteurs, orientée à gauche. Toujours très sensibles aux tentatives d'extrémistes cléricaux désireux de troubler la paix scolaire et de contrôler l'enseignement, les maîtres d'école étaient facilement mobilisables pour défendre les droits acquis par les lois de 1881 et 1912».



L'échec de la fusion des syndicats d'instituteurs après la deuxième guerre mondiale


Durant la Deuxième guerre mondiale la FGIL se retrouva bien entendu parmi les organisations dont les activités furent interdites. L'immeuble de l'ancre d'or fut d'ailleurs confisqué par les envahisseurs.

Travaillant sous l'occupation, il n'était pas chose facile pour les instituteurs, accablés entre leur conviction patriotique d'une part et les ordres de service des nazis et de leurs directeurs d'écoles d'autre part, d'exercer leur profession sans se compromettre devant la nation ni de se faire arrêter par les Allemands.

A la sortie du premier numéro d'après-guerre du «Journal des instituteurs» (mars 1945), le collègue et résistant que fut François FRISCH trouva les paroles suivantes: «Oui, il y a eu des lâches d'une bassesse répugnante parmi nous. Des lâches qui, à l'exemple de certains inspecteurs d'écoles, ont brûlé ce qu'ils avaient adoré, des mercenaires misérables du soi-disant Ordre nouveau. Mais il y a aussi les autres! Et nécessité est que le pays sache que ces «autres» représentent la très grande majorité du corps enseignant».

Après avoir publié la liste des institutrices et instituteurs ayant combattu dans la résistance - il conviendrait de traiter une fois en détail du sujet - François FRISCH ajouta: «Oui, le corps enseignant n'a pas failli à sa mission nationale à une époque décisive où se jouent le sort et l'avenir de l'humanité.

Et si les marchands d'esclaves n'ont pas eu l'âme du pays, nos institurices et nos instituteurs y sont pour quelque chose. Ils ont mérité du pays et de sa liberté.»


Ce n'est pas un hasard que dans cette phase d'euphorie nationale, un 15 janvier 1949, les deux délégations de la FGIL et de l'UDEL se sont rencontrées et qu'elles ont signé la convention de fusion et de création des «Instituteurs Réunis». L'expérience devait finalement échouer une année plus tard, le 19 décembre 1950 et affaiblir considérablement la FGIL qui y laissait la majorité de ses membres.



1950 - 1974: La reconstruction


Durant les années 1950, l'engagement et la compétence des responsables réunis autour du président François ROSENFELD et du secrétaire Joseph LINSTER qui travaillaient sur des dossiers concrets tel que la formation des maîtres, l'égalité des chances et la question de la responsabilité civile des instituteurs, réussirent finalement à faire renaître des cendres la FGIL et à la renforcer progressivement. Un rôle-clé fut assumé dans cette phase de reconstruction par Nicolas THOMA qui a donné son nom à notre réputé prix annuel pour l'école publique.

En 1969, René GREGORIUS prit la relève à la présidence. Grâce à sa force de conviction exprimée tant dans ses écrits qu'à travers ses discours, il refit de la FGIL un partenaire écouté et respecté auprès des instances ministérielles. Il réussit à intéresser une équipe de jeunes collègues fraîchement brevetés aux buts et à l'action de la FGIL et à gagner leur collaboration au Comité et à l'assemblée des délégués. Un essor formidable au niveau des activités s'ensuivit et le nombre des adhérents remonta sensiblement pour dépasser bientôt les 600.

Les questions relatives à la reconnaissance de nos études à l'Institut Pédagogique et au classement barémique de notre fonction se trouvèrent au milieu des débats et face à l'intransigeance gouvernementale une grève des instituteurs eut lieu le 27 juin 1973. L'appel à la grève avait bel et bien été lancé par les deux syndicats d'instituteurs, la FGIL et l'Association des Instituteurs Réunis (AIR), mais la seule FGIL avait convoqué le personnel à une réunion de protestation qui allait réunir pas moins de 700 manifestants au Casino de Bonnevoie.



LA FGIL sous la coalition libérale-socialiste de 1974 à 1979


Alors que pour la première fois depuis bien longtemps le parti de droite se retrouvait dans l'opposition, la FGIL appartenait sur l'échiquier syndical dans la fonction publique et au-delà aux rares forces qui n'ont pas systématiquement dénigré et saboté les initiatives réformatrices du Ministre Robert KRIEPS.

Au Luxembourg comme dans d'autres pays européens, l'école globale pour les jeunes de 12 à 15 ans figurait à l'ordre du jour et était au centre de débats acharnés et le plus souvent polémiques.

Les responsables de la FGIL, à l'instar de leur président René GREGORIUS, firent de leur mieux pour replacer la discussion dans un cadre objectif et constructif, s'informèrent en la matière en visitant des écoles globales en Allemagne, au Danemark et en Angleterre, publièrent leurs analyses et propositions concrètes dans la remarquable brochure ad hoc «Geamtschule in Luxemburg».

Rien n'y fit: à la fin du compte le Gouvernement, attaqué de toutes parts, abandonna son projet et, à demi coeur, se limita à lancer deux expériences-pilotes dans les lycées de Pétange et de Dudelange qui allaient s'avérer infructueuses car peu soutenues par l'autorité politique.

A la FGIL, nous continuons à compter parmi celles et ceux qui pensent qu'une séparation plus tardive des jeunes méritait une réflexion approfondie et pourrait apporter - sans être un remède miraculeux - sa part de solution à certains problèmes scolaires actuels et notamment à l'absence persistante de l'égalité des chances.